Le Point Juridique

Quelles sont les différents modes de rupture du contrat de travail à durée indéterminée dans le secteur privé et leurs contestations ?

Dans le secteur privé, l’employeur qui souhaite embaucher un salarié doit conclure un contrat de travail. Ce contrat sera à durée indéterminée ou à durée déterminée dans des situations précises (remplacement d’un salarié absent, surcroît d’activité…).

Contrairement à une idée reçue, la rédaction d’un écrit n’est pas obligatoire, même si en pratique cela est fortement recommandé pour une question de preuve. En l’absence d’écrit, le contrat est nécessairement un contrat à durée indéterminée, qui constitue selon le ministère du travail « la forme normale et générale de la relation de travail ».

Chaque année, 2 à 4 millions de contrats à durée indéterminée sont signés en France[1]. Pour autant le terme « indéterminé » ne signifie pas que la relation contractuelle soit perpétuelle et il est tout à fait possible au salarié et à l’employeur d’y mettre fin.

Focus sur les 3 modes de ruptures :

1. La démission : Une rupture à l’initiative du salarié

Chacune des parties liées par un contrat de travail conclu pour une période indéterminée peut, à tout moment, mettre fin à son engagement (article L1231-1 du Code du travail).

En l’absence de définition légale, la démission a été définie par la jurisprudence comme la manifestation d’une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail.

Plus précisément, c’est « un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail » (Cassation Ch. Soc. 9 mai 2007, n° 05-40.315).

Le droit à la démission dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée est un droit d’ordre public pour le salarié.

A la fin de son préavis de démission, le salarié ne touche pas d’indemnité de rupture. Toutefois, l’employeur versera le reliquat du salaire jusqu’au dernier jour travaillé (sauf si le salarié est dispensé de préavis), l’indemnité compensatrice de congés payés et les éventuelles primes liées à l’exécution du contrat de travail.

2. La rupture conventionnelle : Un commun accord

La rupture conventionnelle est un mode de rupture spécial du contrat de travail d’un salarié en CDI. Il ne s’agit pas d’une démission, ni d’un licenciement, mais plutôt d’un « commun accord » tel que prévu par l’article L1231-1 du Code du travail.

La rupture conventionnelle est exclusive du licenciement ou de la démission et ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties (article L1237-11 du Code du travail).

Ainsi, chacune des parties peut accepter ou refuser la rupture conventionnelle et ni l’employeur, ni le salarié n’ont l’obligation de répondre à une proposition de rupture conventionnelle.

Peu importe son ancienneté, le salarié dont la rupture conventionnelle est homologuée par la DDETSPP (Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations) touche une indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

A cet effet, le service public a mis en place un simulateur de calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (https://code.travail.gouv.fr/outils/indemnite-rupture-conventionnelle).

Cette indemnité ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement. De plus, le salarié percevra le reliquat du salaire jusqu’au dernier jour travaillé (sauf si le salarié est dispensé de préavis), l’indemnité compensatrice de congés payés ainsi que les éventuelles primes si elles sont liées au contrat de travail.

3. Les types de licenciement : Une rupture à l’initiative de l’employeur

Le licenciement à l’initiative de l’employeur peut être pour motif personnel (disciplinaire et non disciplinaire) ou pour motif économique.

  • Le licenciement pour motif personnel

Conformément à l’article L1232-1 du Code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse et peut prendre plusieurs formes :

La faute simple

La faute simple répond à deux critères :

Un agissement du salarié contraire à ses obligations à l’égard de l’employeur ;

Une gravité insuffisante pour imposer la rupture immédiate du contrat de travail.

La faute simple peut être reconnue, par exemple, à l’occasion d’une erreur ou d’une négligence commise par le salarié dans le cadre de son travail, par exemple des retards répétés ou le fait de quitter son lieu de travail sans autorisation.

Le salarié perçoit une indemnité de licenciement s’il remplit les conditions d’ancienneté lui permettant d’en bénéficier.

La faute grave

La faute grave répond à deux critères :

Un agissement du salarié contraire à ses obligations à l’égard de l’employeur ;

Une gravité de la faute rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée du préavis.

Attention, la faute grave est appréciée au cas par cas. Celle-ci a par exemple été admise pour des absences injustifiées, un état d’ivresse pendant les heures de travail ou pour des faits de harcèlement, des violences ou des injures envers l’employeur ou un autre salarié.

En cas de faute grave, le salarié ne perçoit pas d’indemnité de licenciement.

La faute lourde

La faute lourde répond à deux critères :

Une faute d’une particulière gravité, révélant une intention de nuire à l’employeur ;

Une situation qui rend le maintien du salarié dans l’entreprise impossible, même pendant la durée du préavis.

La faute lourde peut être admise, par exemple en cas de dégradation volontaire d’un outil de travail, de violence physique et menace de mort envers l’employeur, lors de la séquestration d’un membre du personnel, d’un détournement de clientèle au profit d’un concurrent ou encore de divulgation d’informations secrètes ou confidentielles.

Tout comme la faute grave, la faute lourde dispense l’employeur de verser une indemnité de licenciement.

  • Le licenciement pour motif non-disciplinaire

La cause réelle et sérieuse évoquée par l’article L1232-1 du Code du travail peut également être retenue pour un motif non-disciplinaire. Il s’agit de la situation où l’employeur reproche à son salarié un comportement empêchant le maintien de la relation de travail.

A titre d’illustration, les hypothèses suivantes ont été reconnues par les juges : une insuffisance professionnelle, une modification du contrat de travail refusée ou encore une impossibilité de reclassement en cas de licenciement pour inaptitude.

Le licenciement pour motif économique

Le licenciement pour motif économique est un licenciement pour un ou plusieurs motifs mais qui n’est pas lié à la personne du salarié.

Conformément à l’article L1233-2 du Code du travail, le licenciement économique doit être lui aussi justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause justifiant un licenciement économique peut être multiple : des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise ou encore la cession d’activité de cette dernière.

La contestation du licenciement

Lorsque le salarié est licencié, il doit être informé du motif justifiant le licenciement. Ce motif, ainsi que le non-respect de la procédure peuvent être contestés par le salarié.

Ce sont les juges, en premier lieu le Conseil de Prud’hommes, qui contrôle la validité d’un licenciement.

Dans le cas d’un licenciement pour motif personnel, si le juge constate que la réglementation n’est pas respectée, il peut :

– Annuler le licenciement lorsque le licenciement est interdit par la loi (licenciement d’une salariée en congé maternité par exemple). On dit alors que le licenciement est nul ;
– Décider que le licenciement est injustifié (sans cause réelle et sérieuse) lorsque le motif à l’origine du licenciement n’est pas valable ;
– Lorsque la procédure n’est pas respectée, prononcer l’irrégularité du licenciement (par exemple lorsque l’employeur ne convoque pas le salarié à l’entretien préalable).

Afin de contester le licenciement, le salarié doit présenter sa requête devant le Conseil de Prud’hommes. Il s’agit du seul tribunal compétent pour régler les litiges individuels entre le salarié et l’employeur dans le secteur privé.

La représentation par un avocat n’est pas obligatoire devant le Conseil de Prud’hommes, mais elle est fortement recommandée.

[1] Source Insee : Emploi, chômage, revenus du travail Édition 2023

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